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Comment ça va ? Bien !
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12 août 2013

Petite Poucette IV

ecolier

 

Que transmettre ? A qui le transmettre ? comment le transmettre ?

 

Que transmettre ? Le savoir !

Jadis et naguère, le savoir avait pour support le corps du savant, aède ou griot. une bibliothèque vivante... : voilà le corps enseignant du pédagogue.

Peu à peu, le savoir s'objectiva : d'abord dans des rouleaux, sur des vélins ou parchemins, supports d'écriture ; puis, dès la Renaissance, dans les livres de papier, supports d'imprimerie ; enfin, aujourd'hui, sur la Toile, support de messages et d'information.

L'évolution historique du couple support-message est une bonne variable de la fonction d'enseignement. Du coup, la pédagogie changea au moins trois fois : avec l'écriture, les Grecs inventèrent la paideia ; à la suite de l'imprimerie, les traités de pédagogie pullulèrent. Aujourd'hui ?

 

Je répète. Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la Toile, disponible, objectivé. Le transmettre à tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre ? Voilà, c'est fait.

Avec l'accès aux personnes, par le téléphone cellulaire, avec l'accès en tous lieux, par le GPS, l'accès au savoir est désormais ouvert. D'une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis.

 

Objectivé, certes, mais, de plus, distribué. Non concentré. Nous vivions dans un espace métrique, disais-je, référé à des centres, à des concentrations. Une école, une classe, un campus, un amphi, voilà des concentrations de personnes, étudiants et professeurs, de livres en bibliothèques, d'instruments dans des laboratoires... Ce savoir, ces références, ces textes, ces dictionnaires, les voilà distribués partout et, en particulier, chez vous - même les observatoires ! - mieux, en tous les lieux où vous vous déplacez. De là étant, vous pouvez toucher vos collègues, vos élèves, où qu'ils passent ; et ils vous répondent aisément.

L'ancien espace des concentrations - celui-là même où je parle et où vous m'écoutez, que faisons-nous ici ? - se dilue, se répand ; nous vivons, je viens de le dire, dans un espace de voisinages immédiats, mais, de plus, distributif. Je pourrais vos parler de chez moi ou d'ailleurs, et vous m'entendriez ailleurs ou chez vous. Que faisons-nous donc ici ?

 

Ne dîtes surtout pas que l'élève manque des fonctions cognitives qui permettent d'assimiler le savoir ainsi distribué, puisque, justement, ces fonctions se transforment avec le support et par lui. Par l'écriture et l'imprimerie, la mémoire par exemple, muta au point que Montaigne voulut une tête bien faite plutôt qu'une tête bien pleine. Cette tête vient de muter encore une fois.

De même donc que la pédagogie fut inventée par les Grecs (paideia), au moment de l'invention et de la propagation de l'écriture, de même qu'elle se transforma quand émergea l'imprimerie, à la Renaissance, de même, la pédagogie change totalement avec les nouvelles technologies, dont les nouveautés ne sont qu'une variable quelconque parmi la dizaine ou la vingtaine que j'ai citées ou pourrais énumérer.

 

Ce changement si décisif de l'enseignement -changement qui se répercute peu à peu sur l'espace entier de la société mondiale et l'ensemble de ses institutions désuètes, changement qui ne touche pas, et de loin, l'enseignement seulement, mais aussi le travail, les entreprises, la santé, le droit et la politique, bref, l'ensemble de nos institutions -, nous sentons en avoir un besoin urgent, mais nous en sommes encore loin.

Probablement parce que ceux qui traînent dans la transition entre les derniers états n'ont pas encore pris leur retraite alors qu'ils diligentent les réformes, selon des modèles depuis longtemps effacés.

 

Enseignant pendant un demi-siècle sous à peu près toutes les latitudes du monde, où cette crevasse s'ouvre aussi largement que dans mon propre pays, j'ai subi, j'ai souffert ces réformes-là comme des emplâtres sur des jambes de bois, des rapetassages. Or les emplâtres endommagent le tibia, même artificiel ; les rapetassages déchirent encore plus le tissu qu'ils cherchent à consolider;

 

Oui, depuis quelques décennies je vois que nous visons une période comparable à l'aurore de la paideia, après que les Grecs apprirent à écrire et démontrer, semblable à la Renaissance qui vit naître l'impression et le règne du livre apparaître. Période incomparable pourtant, puisque, en même temps que ces techniques mutent, le corps se métamorphose, changent la naissance et la mort, la souffrance et la guérison, les métiers, l'espace, l'habitat, l'être-au-monde.

 

 

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